Middle age (1996 - 2004) : Atomic scale modelling

L'étude des relations entre spectre de diffusion Raman et structure locale des matériaux m'a amené à m'intéresser aux systèmes de petite dimensions. L'objectif à atteindre est le calcul complet des spectres Raman pour des systèmes fortement désordonnés et/ou de très petite taille.

Pour nos simulations, compte tenu des matériaux étudiés, (caractère essentiellement covalent) nous avons choisi une approche classique pour les potentiels d'interaction atomiques. Nous avons choisi des interactions à deux et trois corps dans le cadre d'un modèle de champ de forces de valence. L'énergie totale du système est ensuite relaxée en utilisant une méthode de Newton-Raphson. Nous avons comparé deux méthodes de résolution de systèmes d'équation la méthode de Gauss-Triangulaire et celle de Gauss-Seidel. L'intérêt de cette dernière est qu'elle est mieux adaptée dans le traitement de matrices creuses de grande taille. La structure statique une fois déterminée, nous analysons le comportement dynamique par diagonalisation de la matrice dynamique et obtenons in fine la densité d'états de vibration. Pour la recherche des valeurs et vecteurs propres de cette matrice dynamique nous avons comparé la méthode de Lanczos (avec réorthogonalisation partielle ou complète des vecteurs propres) et celle de Givens. Pour des raisons de coût en temps de calcul nous avons préféré cette dernière.
Les spectres Raman sont calculés dans le cadre d'un modèle de polarisabilités de liaisons inspiré de celui de Alben, il prend en compte à la fois les positions réelles des atomes et les vecteurs propres calculés.

Système $Si_{1-x}Ge_{x}$

Nous avons effectué une étude sur le système Si-Ge, à travers les propriétés vibrationnelles d'inclusions de Ge dans une matrice de Si. Ainsi nous avons pu calculer la densité d'états de vibration de tels systèmes. Suivant la manière dont nous introduisons les atomes de germanium dans le cristal de silicium nous avons construit plusieurs systèmes. Lorsque la substitution est faite aléatoirement, nous construisons alors une solution solide $Si_{1-x}Ge_{x}$, les densités d'états que nous avons calculé peuvent être directement interprétées compte tenu de notre expérience sur les solutions solides semiconductrices. A l'opposé, lorsque l'introduction des atomes de Ge est contrôlée on peut construire des agrégats de forme et de taille variable dans la matrice mère. Là encore la comparaison aux spectres Raman est immédiate.

Arsenic cristallin Notre but était ici de calculer les propriétés vibratoires de clusters d'arsenic dans une matrice GaAs. Nous avons effectué une comparaison entre plusieurs formes de potentiels classiques pour déterminer la structure cristallographique la plus réaliste. Une des difficultés de l'arsenic est sa structure lamellaire. Le potentiel que nous avons retenu prend en compte des termes de compression et des termes de flexion à l'intérieur des plans et nous avons simulé l'interaction entre plans par un terme de Van der Waals. Les résultats obtenus sont en bon accord avec les déterminations expérimentales.

Hétérostructures $GaSb/GaAs$ : dislocations

Dans le cadre de la thèse de J. Dalla Torre, nous avons simulé la croissance de couches de GaSb sur un substrat de GaAs, en particulier la création de défauts au voisinage des marches. Nous avons utilisé un modèle de Monte Carlo associé à un champ de forces de valences pour décrire la cinétique et les effets de contraintes dans le film. Ces simulations ont montré une localisation des boucles de dislocations bord de ces marches, ceci est en accord avec l'expérience.

$Si:H$ amorphe et poreux

Nous avons corrélé les changements observés sur les spectres Raman expérimentaux d'échantillons obtenus sous différentes conditions expérimentales, avec la structure locale de ces systèmes. Nous avons effectué des calculs sur des systèmes inhomogènes de densité massique proche de celle du silicium cristallin jusqu'à des systèmes fortement poreux. Pour ces derniers, nous avons montré que l'augmentation relative de l'intensité des pics acoustiques "anormalement" Raman actifs par rapport à la bande optique provient d'un environnement riche en liaisons Si-H et d'une forte densité de pores. Le désordre structural n'implique , quant à lui, qu'une redistribution des différents modes de vibration sur la gamme spectrale par l'intermédiaire des contraintes qu'il génère.

$Si_{1-x}C_{x}$

Nous avons étudié les effets d'ordre et de désordre dans les solutions solides $Si_{1-x}C_{x}$. En particulier, nous avons montré que dans le cas des systèmes désordonnés, la signature Raman associée au placement des carbones en troisième voisin (pic à 620 $cm^{-1}$ environ à faible concentration) se confondait avec le pic Si-C principal(605 $cm^{-1}$) pour des concentrations de l'ordre de 2 à 3%. Dans le cas du système ordonné, l'analyse des spectres obtenus montre que la réponse Raman est, dans ce cas là, gouvernée par l'ordre à longue distance, l'ordre à courte portée étant alors seulement important pour obtenir une structure riche en carbone. De plus, nos résultats sont confortés par l'analyse de la largeur à mi-hauteur qui est en parfait accord avec les résultats expérimentaux.

Si-Wurtzite

Nous avons étendu les possibilités du logiciel VIBRATOM pour traiter les matériaux à base de structure wurtzite. En particulier, pour le silicium-wurtzite nous avons pu calculer les modes de vibrations à 520 $cm^{-1}$ de symétrie $A_{1g}+E_{1g}$ et à 500 $cm^{-1}$ de symétrie $E_{2g}$ caractéristique de la wurtzite par rapport à la structure diamant. Enfin nous avons effectué un calcul sur un tel silicium contraint (5% suivant l'axe $\vec{c}$). La levée de dégénérescence du mode à 520 $cm^{-1}$ obtenue est cohérente avec les mesures effectuées par spectrométrie Raman.

Interface Physique - Biologie : interactions ADN - Protéines

Les progrès récents de la biologie ont ouvert des perspectives nouvelles de recherche à la fois fondamentales et appliquées, en particulier en pharmacologie. Notre motivation était de surmonter les difficultés rencontrées pour traiter certains types d'interaction à l'aide de logiciels, commerciaux ou académiques, actuellement disponibles. Il s'agit dans notre cas des interactions ADN - Protéines. Pour atteindre notre but, nous avons constitué une équipe de travail dans le cadre de l'ACI Bio-informatique du CNRS.

Notre méthode a consisté à examiner les algorithmes et logiciels existants, dédiés aux interactions entre macromolécules, en les appliquant à notre cas particulier. L'examen des avantages et inconvénients de chaque méthode devait aboutir à la mise oeuvre d'une méthodologie capable de traiter ces types de problème.

Deux logiciels de docking : AutoDock et 3D-Dock, utilisant des algorithmes totalement opposés, ont été examinés. Le logiciel AutoDock respecte la notion d'interactions entre atomes suivant des potentiels classiques semi-empiriques. Par contre, le logiciel 3D-Dock est fondé sur des considérations purement géométriques avec des molécules représentées par des corps possédant un volume intérieur et une coque de faible épaisseur au voisinage de la surface. De plus, les deux molécules ne jouent pas un rôle symétrique.

Les résultats ont été comparés avec les données expérimentales ayant subi un traitement ultérieur à l'aide du logiciel "Accelrys".

Il apparaît qu'une déformation préalable des molécules, ADN en particulier, est nécessaire pour que l'interaction ait lieu. De plus, nous avons montré qu'une série de méthodologies, établissant un lien continu entre les deux algorithmes opposés ci-dessus, peut être envisagée. L'utilisation en cascade de ces méthodologies permet de faciliter le calcul au niveau des passages difficiles dans l'espace des configurations. En l'occurrence, la modification des types d'atomes et des rayons de Van der Waals nous donne la possibilité d'élargir les passages par des cols d'énergie étroits et une recherche plus aisée des chemins réactionnels.

Simulation Multi-échelle, greffage de molécules organiques sur les surfaces de silice et de silicium

Le greffage des molécules constitue la technologie clé du développement des bio-puces. Notre ambition a été d'examiner les possibilités offertes par nos compétences en simulation multi-échelle pour une modélisation des procédés intervenant dans ces domaines.

La fabrication des bio-puces est confrontée à plusieurs problèmes qui tiennent à la qualité du greffage des molécules espaceurs sur les surfaces de silice et à la fixation des oligo-nucléotides (ADN ou protéines) sur ces dernières. Cette fixation doit, bien entendu, conserver les propriétés intrinsèques des oligo-nucléotides, généralement perturbées par la proximité des surfaces polaires.

Le problème rencontré est la grande variété des situations possibles, pour un tel accrochage, aussi bien au niveau des molécules en présence que des conditions opératoires. Ceci nécessite un très grand nombre d'essais expérimentaux répétitifs avec un coût prohibitif et des délais d'aboutissement importants. L'intérêt de disposer d'une modélisation prédictive et fiable est de tester par avance diverses situations et de se limiter à quelques essais expérimentaux dans le seul but de qualifier le procédé.
Compte tenu du nombre important d'atomes impliqués dans ces systèmes, l'approche que nous développons repose sur une simulation multi-échelle. Ce type de simulation fait partie de notre savoir-faire mais est innovant dans le domaine des matériaux biologiques. Le principe consiste à découper le système en plusieurs morceaux et d'appliquer un traitement approprié à chacun d'eux.

  • traitement ab-initio pour les atomes directement intéressés par la réaction chimique,
  • mécanique moléculaire (avec potentiels classiques) pour les morceaux non-directement concernés, ceci permet de tenir compte des déformations et des mouvements éventuels,
  • modèles de type Docking qui prennent en compte les interactions de nature coulombienne et Van der Waals pour les morceaux les plus éloignés, ceci permet de tenir compte de l'interaction de la molécule avec le solvant,
  • adaptation des conditions aux limites entre les morceaux, c'est à dire au changement de modèle.

Une équipe Projet CNRS a été constituée sur ce thème. L'objectif premier de l'équipe a été l'examen du greffage des molécules espaceurs sur des surfaces de silice : orientation des molécules par rapport à la surface, dimérisation des molécules dans le solvant ou après dépôt sur la surface.

La méthode utilisée se place dans le cadre de la modélisation multi-échelle qui combine plusieurs niveaux de modélisation : ab initio quantique, Monte Carlo, mésoscopique. Ces méthodes sont en interaction dans la mesure où les résultats obtenus par les modèles en amont sont injectés dans les modèles en aval. De même, les résultats obtenus par ces derniers nourrissent, par comparaison avec les données expérimentales, les méthodes en amont en suggérant de nouveaux mécanismes à prendre en compte.

Un calcul ab initio a permis de déterminer :

  • La possibilité de dimérisation des molécules dans le solvant, avant greffage,
  • La morphologie d'une molécule espaceur unique déposée sur un substrat de silice,
  • La morphologie d'un dimère greffé sur une surface de silice.

Il apparaît que la molécule unique a une position horizontale sur la surface, ce qui ne permet pas la fixation de l'ADN. Par contre, la molécule dimère se greffe verticalement sur la surface pour une meilleure fixation de l'ADN. Croissance hétéroépitaxiale de semi-conducteurs

L'objectif était de modéliser certains mécanismes physiques intervenant au cours de l'épitaxie de semi-conducteurs présentant un désaccord de maille. Il s'agit en particulier de l'interdiffusion des atomes entre le substrat et la couche déposée et de la formation d'îlots au voisinage des marches et des coins.

La technique de Monte Carlo cinétique a été utilisée dans cette étude et un logiciel (SPARCC) développé. Cependant, la technique utilisée est un peu différente de la méthode habituelle dans la mesure où elle est associée à un modèle énergétique qui nous sert à déterminer les contraintes et déformations, mais surtout à les inclure dans le calcul des probabilités de transition. Ainsi, la contrainte accélère les mouvements atomiques. Cette accélération a pour effet de favoriser les mouvements qui permettent de relaxer les contraintes locales.

Dans ce travail, un modèle énergétique simple, dérivé du modèle de champ de forces de valence a été utilisé. La simplicité du modèle énergétique nous a permis d'effectuer une relaxation, par minimisation de l'énergie élastique, à chaque événement. Les simulations comportent généralement plusieurs millions d'événements.

L'interdiffusion est étudiée en fonction de divers paramètres physiques et de conditions expérimentales : désaccord de maille, constantes élastiques, température, vitesse de dépôt, morphologie du substrat.

Il est en particulier montré que le désaccord de maille diminue l'interdiffusion, contrairement à ce qu'on pourrait croire à priori. Ce résultat est dû à la cinétique de croissance qui permet la création de défauts dans le substrat, et notamment des lacunes, qui relaxent les contraintes plus efficacement que l'interdiffusion. Il est aussi montré que l'interdiffusion augmente sur les surfaces structurées, contenant notamment des tranchées, d'où les atomes diffusent plus facilement.

La formation d'îlots est montré être favorisée par la prise en compte d'interactions entre atomes seconds voisins. C'est une caractéristique des faces (100) des structures blende de zinc où les atomes premiers voisins sont situés sur des plans différents. Il faut souligner que le désaccord de maille favorise l'apparition de surfaces rugueuses plutôt que la formation des îlots.

Déformations et spectres de vibration dans les îlots de Ge et GeSi déposés sur Si

Avec la thèse de H. Kassem, nous avons entrepris une simulation des îlots SiGe sur substrat Si. Ces structures sont capitales pour la réalisation de boites quantiques pour les applications optoélectroniques. Nous avons étudié l'effet du désaccord paramétrique (4%) sur les propriétés statiques et vibrationnelles des îlots de grandes tailles, ayant des facettes $(113)$. La simulation se fait en minimisant l'énergie élastique calculée à partir d'un modèle de champ de forces de valence pour décrire les contraintes et les déformations. Enfin nous avons étudié les propriétés vibrationnelles de ces systèmes en fonction de l'interdiffusion.

L'objectif de cette étude est de déterminer les déformations, les spectres de vibration et les spectres Raman correspondant aux îlots de Ge et GeSi déposés sur un substrat Si, pour une comparaison avec les résultats expérimentaux obtenus sur les mêmes systèmes.

Les études ont porté sur des îlots libres et enterrés dans une matrice Si, présentant soit des facettes (111), soit des facettes (113).

La méthode passe par l'utilisation de la matrice dynamique qui permet à la fois de :

  • Déterminer les déformations dans l'îlot et dans la couche de Si par la minimisation de l'énergie élastique,
  • Calculer le spectre des vibrations , ainsi que l'état correspondant, à travers sa diagonalisation.

Divers types de potentiels classiques ont été utilisés dans cette étude.

Dans le cas des îlots libres, nous constatons que la relaxation s'opère principalement aux bords des îlots où les atomes sont presque totalement relaxés. Au centre de l'îlot, la couche de Ge reste très cohérente avec le substrat de Si. La seule relaxation possible est de type élongation, très consommatrice en énergie. Nous trouvons une situation analogue dans le substrat, avec une relaxation forte près des bords de l'îlot.

Si l'on cherche la relaxation dans les couches successives de l'îlot, nous remarquons une meilleure relaxation dans les couches supérieures. En même temps, l'anisotropie initiale du substrat de Si orienté (100) se retrouve dans les couches déposées. Ainsi, l'énergie de déformation est différente sur les quatre facettes bordant l'îlot, avec un changement d'orientation dans les couches successives.

Dans le cas d'îlots enterrés, la relaxation est nettement plus faible (d'un ordre de grandeur). L'îlot de Ge reste très cohérent avec le substrat de Si.