Antiquity (1984 - 1996)

Solutions solides et désordre

J'ai centré mon étude des solutions solides sur l'activité Raman différenciée des modes de grandes longueurs d'onde, en particulier le lien avec la structure locale. J'ai pu montrer que le mode de plus haute fréquence a une activité systématiquement renforcée sur les spectres Raman que nous avons mesuré, c'est aussi ce mode qui intervient dans les propriétés de transport, il est le seul à se coupler avec les électrons.
Après avoir effectué les mesures spectroscopiques, la première partie de ce travail a consisté à modéliser la réponse Raman d'une solution solide où les deux types de liaisons sont sans interaction. Pour cela, j'ai choisi le système $Ga_{1-x}Al_{x}As$ pour lequel le désaccord paramétrique entre les composés parents est très faible (#0.2%), il n'y a alors pas de désordre structural.
J'ai ensuite étendu le calcul à une solution solide issue de composés parents présentant un fort désaccord paramétrique. C'est le cas de $Ga_{1-x}In_{x}As$ (#7%), ce système présente un désordre structural important qui induit un couplage entre les deux types d'oscillateurs GaAs et InAs. Ce couplage conduit à un renforcement de l'activité de la liaison GaAs. En parallèle à ces calculs, j'ai effectué les mesures expérimentales sur les systèmes correspondants. Les résultats des calculs proposés reflètent parfaitement la réalité expérimentale. J'ai ensuite étendu ce modèle aux autres solutions solides III-V, $GaAs_{1-x}P_{x}$ et $GaAs_{1-x}Sb_{x}$. J'ai pu ainsi généraliser la méthode et proposer une classification du comportement vibratoire des solutions solides à partir de la différence de paramètre de réseau des composés parents. Ce modèle prend en compte les perturbations des liaisons dues aux contraintes/relaxations et aux transferts de charges.

Problèmes liés aux hétérostructures

L'expérience accumulée dans l'étude des semiconducteurs m'a permis une analyse détaillée de la réponse Raman des hétérostructure contraintes. Mon attention a été focalisée sur le système GaAs déposé par MBE sur des substrats de différentes natures ($Si$ ou $CaF_{2}$) et pour différentes orientations ([001], [111] et [112]). L'intérêt de ces différentes structures est qu'elles présentent une contrainte résiduelle due aux différences entre les propriétés thermoélastiques de la couche et du substrat.
Du point de vue des applications, la levée de dégénérescence trous-lourds trous-légers due à cette contrainte résiduelle peut être utilisée pour la réalisation de sources d'électrons polarisés.
L'originalité de directions telles que [111] est que l'on a accès dans ce cas à la diffusion Raman associée aux phonons TO et LO. Ces phonons mettent en jeux des mécanismes d'interaction différents : purement mécanique pour le TO, mécanique et électro-optique pour le LO.
Les mesures effectuées exploitant les décalages en fréquences, symétries et activité des phonons optiques ont permis de déterminer la contrainte résiduelle et de caractériser la qualité cristalline.
L'utilisation des phonons comme sonde de la déformation permet d'avoir une information précise correspondant au volume diffusant.
La profondeur de pénétration de la sonde, modifiable en changeant la longueur d'onde excitatrice, permet une étude tomographique des échantillons.
L'effet de la déformation sur les phonons est calculé en le supposant faible devant l'effet électro-optique du point de vue énergétique. Les décalages en fréquence sur les phonons optiques sont alors déduits de la modulation de la matrice dynamique. L'étude en fonction de la température et de la profondeur de pénétration donne accès au profil de la contrainte et à son histoire thermique.
Dans le cas idéal, la contrainte se relaxe très rapidement à l'interface jusqu'à une valeur constante dans toute la couche. La déformation suit celle imposée par la différence des coefficients d'expansion thermique entre la couche et le substrat.

Ces résultats expérimentaux ont été comparés à un modèle théorique que nous avons élaboré à partir des constantes élastiques, potentiels de déformation et tenseurs Raman. Nous avons montré que le signe du décalage des phonons de GaAs est directement lié à la déformation d'origine thermique. Cette déformation thermique est inférieure à la limite élastique dans le cas de $GaAs/Si$, par contre dans le cas de $GaAs/CaF_{2}$ la limite élastique est atteinte.

En plus de l'étude à la surface de la couche de GaAs, la transparence du substrat $CaF_{2}$ pour les longueurs d'onde utilisées autorise une étude côté interface. Nos mesures montrent une relaxation très rapide côté interface jusqu'à une valeur constante dans toute la couche. Cette valeur correspond à la limite élastique du matériaux.

L'effet de la direction de croissance ([001], [111] ou [112]) et du type de substrat ($Si$ ou $CaF_{2}$) a été analysé. Nous avons examiné l'influence des directions de croissance exotiques [111] et [112] sur les contraintes résiduelles et l'effet piézo-électrique [1]-[3].

La déformation de la couche GaAs a été calculée à partir des décalages des phonons optiques pour les trois types de directions. Pour cela, nous avons calculé l'énergie de déformation, le décalage des phonons, l'effet piézo-électrique et les règles de sélection Raman pour une orientation générale [hhk].
Le signe du décalage des phonons de GaAs (positif pour $CaF_{2}$ et négatif pour Si) met clairement en évidence l'origine thermique de la déformation.
Pour $GaAs/Si$, cette déformation thermique est inférieure à la limite élastique. Les résultats expérimentaux sont en accords avec les calculs :

$\bullet$

les décalages associés au modes TO et LO conduisent à la même valeur de la déformation quelle que soit la direction ([001], [111] ou [112]);

$\bullet$

la déformation dans le plan correspond au désaccord paramétrique thermique;

$\bullet$

la valeur (1.6) du rapport $\sigma_{[111]}/\sigma_{[001]}$ est en parfait accord avec la valeur théorique 1.4.

Pour $GaAs/CaF_{2}$, la déformation thermique est supérieure à la limite élastique, il s'ensuit donc une relaxation de la déformation lors du refroidissement. Ce phénomène dépend grandement de la direction de croissance. La valeur de la déformation observée pour [111] (-6.0 10$^{-3}$) proche de la limite élastique (-6.7 10$^{-3}$) témoigne que les substrats orientés [111] produisent la meilleure qualité d'interface. Ils se révèlent ainsi très prometteurs pour l'ingénierie associée à la bande de valence.
Dans le cadre de ce travail, j'ai effectué un séjour d'un mois à l'Université Sao Carlos (Brésil) dans le laboratoire du Professeur J.C. Galzerani (en 1996) et deux semaines dans le laboratoire du Professeur P.S. Pisani (1997).

Effets d'anharmonicité sur l'activité des phonons optiques

Nous avons également travaillé sur l'étude des effets thermiques et de déformation sur les interactions électron-phonon dans GaAs. L'utilisation d'hétérostructures $GaAs/CaF_{2}$ et $GaAs/Si$ orientées [111] nous a permis de traiter séparément l'effet sur les modes LO et TO. Le choix de substrats différents quant à lui permet de distinguer les déformations compressives et extensives. Nous avons montré que le rapport des interactions électron-phonon pour les deux mécanismes, couplage électro-optique et par potentiel de déformation (associés respectivement au LO et au TO) ne dépend pas de la température (dans la gamme explorée, 15K - 300K) mais varie quasi-linéairement avec la contrainte interne, c'est à dire avec le champ piezo-électrique.

Traitement des spectres Raman

Nous nous sommes intéressés à l'extraction du signal Raman basse fréquence dans les systèmes très désordonnés. Cette étude effectuée sur divers liquides visqueux, à travers la prise en compte simultanée du signal Stokes et du signal Anti-Stokes, nous a permis de définir un spectre Raman réduit où les effets de la température et le bruit blanc du détecteur sont éliminés. La comparaison à d'autres types de réductions nous a permis de montrer que tous les photons diffusés inélastiquement sont du vrai signal Raman, dus à des processus faisant intervenir des excitation du type bosons.